Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/65

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en vous accordant ma main, je vous demandais ici votre parole d’honneur de m’être fidèle de cœur, d’esprit et de fait jusqu’à la mort, vous n’oseriez pas me la donner.

» Je me levai comme un mort qu’on galvanise, et je fis un pas vers elle, prêt à lui faire avec emportement le serment qu’elle me défiait de prononcer ; mais elle me regardait avec tant de sévérité, que je fus effrayé de mon transport. Son regard n’était pas celui d’une femme qui cherche une illusion ou une flatterie, c’était celui d’un juge d’honneur qui vous dit : « Prenez garde à ce que vous allez répondre ! » Je reculai et je retombai sur ma chaise, accablé de sa clairvoyance, en même temps qu’offensé de son doute. Je me sentais pris au piège ; j’étais furieux contre elle encontre moi.

» — Vous voyez bien ! reprit-elle avec un sourire dont la douceur me terrassa ; vous n’avez jamais eu pour moi le sentiment que j’aurais exigé du maître de ma vie. Trouvez donc bon que, n’espérant pas rencontrer l’amour exclusif, même chez l’homme que j’ai le plus estimé, je préfère garder ma dignité dans la solitude. Chacun a son goût. Beaucoup de femmes aiment à souffrir, à lutter, à disputer le bonheur à la destinée. D’autres ne se sentent pas tant de force. Plus timides parce qu’elles sont plus modestes, elles fuient le danger ; elles ne croient pas que ce soit jamais un devoir pour elles de risquer leur fierté dans un combat où la femme est toujours brisée. Permettez que je me préserve de l’amour tel que le monde actuel l’entend et le comporte, et, quant à vous, ne donnez plus ce nom d’amour au sentiment que vous prétendiez avoir pour moi. Ce n’était, au commen-