Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/329

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meil véritable et complet. À trois heures du matin, il a essayé de parler sans pouvoir se faire comprendre ; il m’a regardé sans surprise, et, par signes imperceptibles qu’il m’a fallu deviner, il m’a témoigné qu’il avait déjà entendu et reconnu ma voix. Une autre pantomime exprimait peut-être qu’une autre voix l’avait frappé ; ses yeux, qui n’avaient pas encore repris leur mobilité, semblaient m’interroger. En ce moment, mademoiselle Vallier, qui était partie à dix heures du soir, rentrait avec une petite lanterne, toute seule, intrépide, à pied à travers les bois que le jour n’éclaire pas encore. Elle est venue le regarder, et il la vue. — Ah ! ma chère mère, quel doux rayon de vie la présence d’une femme aimée répand sur la figure d’un homme qui vient de lutter avec la mort ! Pierre est beau, tu le sais ; mais tu ne l’as jamais vu, tu ne le verras jamais comme je viens de le voir, avec sa pâleur de Christ, ses grands yeux creusés, sa légère barbe noire frisant sur ses joues amaigries, et ce demi-sourire, effort suprême d’une joie qui ne peut encore se manifester et qui ressemble presque à une souffrance. Il n’a pu parler. Aldine a pris sa main dans les siennes.

— Eh bien, lui ai-je dit, embrassez-le donc ! il est sauvé.

Elle a baisé la main qu’elle tenait et elle a senti sur son front deux larmes qui ont semblé amener la résurrection. Lazare a dû pleurer ces deux larmes régénératrices quand la voix de l’ami lui a dit de se lever et de sortir du tombeau. Pierre a pu parler ; il a dit :

— Je veux bien mourir à présent.

J’ai incliné avec autorité la tête de son amie sur la sienne ; elle a séché ses larmes avec ses lèvres. Et