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Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/425

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mand Silvestre ; le poète a tenu ses promesses. Il n’avait jamais eu besoin de patronage et le lecteur ne doit voir dans le mien qu’une maternelle sollicitude. C’est une modestie de sa part de vouloir qu’elle lui soit continuée ; mais, comme il y a dans cette modestie un sentiment filial, je ne veux pas m’y soustraire.

En publiant aujourd’hui des poésies anciennes et nouvelles, Armand Silvestre a éprouvé le besoin d’un classement logique. Il a divisé les divers ordres de sentiments et d’idées qui l’ont inspiré, et il est retombé, après des années d’intervalle, sous les mêmes impressions avec des pensées presque identiques. Il a désiré que cette continuité de sa vie apparût dans son livre.

La division qu’il a adoptée me paraît traduire très bien les ordres de choses qui ont absorbé son existence.

Il y a eu progrès pourtant. En elle-même la forme lyrique n’est point une chose qui se gâte ou s’améliore. La pensée est le chant d’oiseau qui, après les premiers tâtonnements, s’élance à son développement pour ne plus s’altérer ; mais, si le poète, à son début, est déjà le virtuose qu’il sera toujours, l’homme marche, s’éclaire, se complète et aborde les sujets de son émotion avec des forces nouvelles. On ne saurait dire pourquoi son vers a plus d’attrait ou de puissance, si l’on ne s’attache qu’à la forme, mais on s’en rend compte quand on songe à l’aspect que prennent les choses en raison du vol plus élevé de l’âme et de l’ampleur de ses voyages dans le monde de la pensée.