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Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/72

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pas confiance dans l’ouvrier qui manque d’ouvrage et d’avances pour en attendre. On a inventé les livrets pour rendre l’ouvrier encore plus esclave, encore plus fier et plus honteux dans son malheur. Il y a d’honnêtes familles d’artisans qui souffrent tout ce qu’on peut souffrir plutôt que d’accepter l’assistance des voisins, par la crainte où ils sont qu’on ne les soupçonne d’avoir eu une mauvaise conduite ou de vouloir tromper la charité d’autrui.

Tous les malheurs de l’homme de campagne et de l’homme de ville viennent donc de ce que l’échange se fait mal, ou plutôt de ce que l’échange ne se fait pas. Car ce n’est pas l’échange qu’un commerce où il faut toujours faire la plus grosse part à celui qui en a le moins besoin et à celui qui travaille le moins. Le spéculateur répond bien que c’est lui qui risque le plus, parce qu’il fait de grandes opérations, et qu’il risque à lui seul ce que beaucoup de consommateurs et beaucoup de producteurs rassemblés ne pourraient pas exposer. Mais qu’est-ce qui est donc si fort exposé ? C’est l’argent de ce riche qui regarde ses écus comme une chose plus précieuse que la vie, la santé, l’honneur et le repos des hommes.

D’ailleurs ne le croyez pas, quand il vous dit qu’il risque fort de se ruiner. Il risque un jour ce que vous risquez tous les jours de votre vie. Il ne risque d’ailleurs que ce qu’il lui plaît de risquer. Plus le temps est mauvais et la vie difficile, moins il risque, plus il est sûr de gagner. Si l’on était sûr d’ailleurs qu’il expose un premier capital avec l’espoir de faire des