Page:Sand - Tamaris.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nous pûmes distinguer à l’est les côtes vraiment romantiques de la Ciotat et le Bec-d’Aigle, ce rocher bizarre d’une coupe si aiguë, qu’il ressemble effectivement à un bec gigantesque béant sur la mer et guettant l’approche des navires pour les dévorer. Nous allions descendre, pour nous mettre vite hors du vent et du nuage, car la chapelle était déserte, fermée, et son extérieur blanchi et empâté n’offre rien d’intéressant, lorsqu’en quittant l’étroite terrasse bordée d’un garde-fou écroulé, qui en fait le tour, nous vîmes, au pied d’une des croix de station des pèlerins, une femme agenouillée.

Sa pose et son vêtement pittoresques dans un cadre si austère, le châle rouge noué sur sa tête et rabattu sur ses épaules, tranchant sur sa robe brune aux plis roides et droits, en laissant échapper quelques mèches de cheveux noirs séchés et crépelés par l’air salin, sa figure d’une pâleur de marbre, ses mains amaigries, un bâton passé dans l’anse d’une bannette et posé devant elle au pied de la croix, une paroi de roches blanchies par les lichens faisant ressortir cette sombre silhouette de Madeleine repentante, tout en elle et autour d’elle nous frappa simultanément, la marquise et moi. Paul eut peur, et, lancé en avant, il recula vers nous.

Cette femme était pourtant remarquablement jolie, ses traits fins et d’un type délicatement accusé. Son costume n’annonçait ni la misère ni l’incurie, et