Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/189

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MARIETTE.

Non, ce n’est pas ça ! c’est un chagrin que j’ai.

SÉVÈRE.

Pauvre petite chère amie ! la voilà qui a ses jolis yeux rouges comme braise ! Ah ! Mariette, Mariette, vous n’avez point de fiance envers moi et vous ne me dites point tout !

MARIETTE.

Qu’est-ce que vous voulez donc que je vous dise, Sévère ? Ce que j’ai, je ne le sais pas moi-même !

SÉVÈRE.

Moi, je le sais ; votre belle-sœur vous déteste, parce que vous êtes trop jeune et trop gentille, à côté d’elle ; ça marque trop son âge, et c’est autant par jalousie que par intérêt qu’elle veut vous empêcher de plaire aux hommes.

MARIETTE.

Je n’ai jamais dit ça. Sévère, ne me faites pas dire ça ! je vous dis que mon chagrin me vient de moi-même !

SÉVÈRE.

Alors, mignonne, c’est que vous avez une peine d’amour, et je gage que je sais pour qui ?

MARIETTE.

Si vous le savez, dites-le donc, car, pour moi, je n’oserais me fier aux idées qui me viennent dans la tête.

SÉVÈRE, avec volubilité.

Je n’irai pas par quatre chemins, Mariette ; vous avez du goût pour mon neveu, pour ce pauvre Jean Bonnin, qui n’ose point vous parler, parce qu’il est honteux, cet enfant-là, et alors, vous croyez qu’il ne vous aime point. Mais, moi, je vous dis qu’il en tient pour vous autant que vous pouvez le souhaiter. Je suis venue avec lui, justement parce qu’il veut vous présenter sa demande, et parce que je prévois qu’il sera mal reçu ici, et que je n’entends point qu’on lui fasse d’affront. Il est votre amoureux attitré, puisqu’il vous plaît ; vous avez le droit de le recevoir, comme il a celui de vous fréquenter ; et, si votre monde veut l’éconduire, il faut que je