Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/318

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du vieux Ergaste ; à eux deux, ils t’ont toujours si chèrement aimé !

FABIO.

Je le sais de reste je sais qu’ils m’ont acheté à des bohèmes qui me faisaient périr de misère, de lassitude et de coups. Je sais que j’appartiens à Marielle, car il a payé ma rançon, mon éducation, toute mon existence ; je suis donc sa chose, et, si je me voulais appartenir à moi-même, ce serait une ingratitude bien noire ; n’est-ce point ainsi, Ergaste ?

ERGASTE.

Je n’entends guère ce que tu veux dire. Marielle n’estime point que tu lui appartiennes autrement que par l’amitié. Quand est-ce donc qu’il a tranché du supérieur avec toi ? À voir comme il prend plaisir à contenter toutes tes envies, bien des gens disent qu’il est l’esclave, et toi le maitre.

FABIO.

Je ne vois point qu’il me soit si soumis ! Il y a avec nous désormais une certaine personne qui le gouverne bien autrement, et vous n’y trouvez point à redire.

ERGASTE.

La Sylvia ? cette bonne fille ?

FABIO.

Une pédante et une prude, mille fois plus savante que vous ne pensez en l’art de brider son monde ; une fausse vertu qui a vite acquis l’habileté d’une comédienne, sans perdre la roideur d’une béguine. Bientôt, ce ne sera plus à Marielle que nous aurons affaire, mais à la Sylvia ; et alors, moi, je quitte la partie, n’étant point d’avis d’être comédien et serviteur aux gages d’un vertugadin !

ERGASTE.

Voila donc le secret de ton déplaisir ? tu te sens jaloux de l’amitié de Marielle pour la Sylvia ? C’est faire grand tort à cette demoiselle, qui est bonne autant que sage, qui fait merveille de sa personne dans notre comédie, et qui donne du contentement à ses camarades autant qu’au public, par