Aller au contenu

Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je ne veux pas te faire marcher plus longtemps, dit-il en laissant aller le bras de Marianne, j’oublie qu’en me rapprochant de mon gîte je t’éloigne du tien. Puisque tout est convenu, je n’ai plus rien à te demander. Je t’amène ton fiancé dimanche prochain.

— Je n’ai pas encore de fiancé, répondit froidement Marianne ; et, quant au projet de dimanche, il faut que votre mère consente à être de la partie ; sinon, c’est impossible. J’irai ce soir le lui demander, si toutefois cela ne vous dérange pas.

— Non, cela ne me dérange pas, dit un peu sèchement André, que ce ton de cérémonie impatientait et blessait réellement. Au revoir donc !

Et il s’éloigna mécontent, presque chagrin.

— Quelle froide petite nature ! se disait-il en marchant vite, d’un pas saccadé. Étroite d’idées, personnelle, glacée, sage par crainte du qu’en dira-t-on, c’est-à-dire prude. Où avais-je l’esprit tantôt quand je me tourmentais de ce qu’il pouvait y avoir au fond de ce lac paisible ? Il n’y a pas de fond du tout ; ce n’est pas un lac, c’est un étang plein de joncs et de grenouilles. Ah ! la province ! voilà ce qu’elle fait de nous. C’était une gentille enfant, intéressante en apparence à cause de son air pensif et souffreteux. À présent c’est une fille forte, forte de sa prudence calculée et de son dessèchement volontaire.