Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/12

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si je n’avais que cent écus, je voudrais tenir ménage à Pont-Aven, car c’est là qu’est la plus grande abondance de toutes choses. À Pont-Aven, on a le beurre pour le prix du lait, la poule pour le prix de l’œuf, et la toile pour le prix du lin encore vert. Aussi y voit-on de bonnes
La jeune fille du Scorff (p. vii).
fermes, où l’on sert du porc salé trois fois la semaine, et où les bergers eux-mêmes mangent du pain de méteil à discrétion. » Le milieu est breton, l’atmosphère est bretonne, les acteurs sont bretons, le merveilleux est breton, la langue même, par un véritable tour de force, tiendra du breton. Sans recherche apparente, sans parti pris, sans effort, avec un tact parfait et une discrétion de bon goût, Souvestre va, dans le récit, glisser des expressions bretonnes qui répandront une saine odeur de terroir, et ne lasseront ni par la répétition, ni par l’excès d’étrangeté. Le gui sera « l’herbe qui vient en haut », et la verveine, celle « de la croix » ; novembre s’appellera le « mois noir », et janvier, celui « de la grande blancheur » ; les coquelicots deviendront « des roses de vipères » ; les champignons, des « trônes de crapauds » ; les alignements, des « villes de korigans » ; les pen-hérez causeront « derrière le pignon » avec des galants qui les aimeront « par-dessus la tête », en attendant qu’ils leur passent, devant le « recteur » de la paroisse et sous l’œil du « sergent d’église », l’anneau bénit au « doigt du cœur » ; et puis les « chercheurs de pain », à qui une compatissante « moitié de ménage », loin de les traiter de « morceaux