Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/13

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d’effronterie », aura donné de quoi fumer une pipe et boire un coup, bourreront leur « corne à tabac » et videront un verre de « vin de feu », tandis que les innocents, « baptisés avec de l’huile de lièvre », se chaufferont à une « veine de soleil », que les kloarek chanteront des sôn en plantant des « croix fleuries » sur les talus, et que les « cordonniers en bois » travailleront gaiement dans la forêt de Brocéliande, où Merlin, encerné par Viviane, sommeille sous un buisson d’aubépine.

Pour atteindre à une pareille chaleur de touche, il faut avoir eu devant les yeux ce que l’on peint. Le Foyer breton n’est pas un foyer imaginaire ; c’est réellement sur l’âtre des paysans, devant leur feu d’algues marines ou de lande, qu’ont été écoutés les récits réunis sous ce titre. Quand arrive la belle saison, les paysagistes partent en campagne, à la poursuite de sujets d’études : ils vont sans autre guide que l’art et la fantaisie, croquant une masure, finissant un site, se contentant parfois de simples esquisses brossées à la hâte avec quelques lignes nettement définies et de ci de là une tache écrasée pour noter un ton. L’hiver venu, on rentre à l’atelier, et l’on fait un tableau avec ces points de repère. Le conteur du Foyer breton traite les traditions comme des paysages : il s’attarde aux plus pittoresques, il s’en imprègne, et il les retrace en y mêlant des scènes de genre qui sont les veillées : manière bien supérieure par la variété, par la vérité, par l’originalité, à la fabulation des Mille et une Nuits, où, non contents de froisser toutes les délicatesses, Schahriar, Scheherazade et Dinarzade lassent la patience des plus robustes.

Souvestre ne reproduit que par approximation : il conte d’après les conteurs entendus ; mais pour se mettre en garde contre une tendance inconsciente à franciser des choses bretonnes, il écrit d’abord ses récits en breton, « sûr ainsi de ne rien dire que ce qui a été dit, ou du moins que ce qui pouvait être dit par les conteurs ». Il veut au reste faire sentir les traditions en les entourant « de ce qui les explique et de ce qui les colore. Qu’est-ce que l’improvisation du conteur napolitain sans le portique de marbre cuivré