Page:Souvestre, Laurens de la Barre, Luzel - Contes et légendes de Basse-Bretagne.djvu/20

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à mettre en ligne avec ceux de M. Luzel pour la valeur spéciale comme pour la diversité. Si l’on veut s’en convaincre, on n’a qu’à parcourir les titres des récits les plus curieux. En fait de légendes : le Filleul de la sainte Vierge, la Fiancée de saint Pierre, Jésus-Christ et le bon larron, le Petit Pâtre qui alla porter une lettre au paradis, Sans-Souci ou le Maréchal ferrant et la Mort, le Pape Innocent, l’Ombre du pendu, la Bonne Femme et la Méchante Femme ; en fait de contes : le Géant Goulaffre, Petit-Louis, la Princesse de Tronkolaine, Noun Doaré, la Femme du loup gris, Iouenn Kermenou, le Corps sans âme, la Vie du docteur Coathalec, le Prix des belles pommes, Bihannic et l’Ogre, l’Homme de fer, le Chat noir, Janvier et Février, le Berger qui eut la fille du roi pour une seule parole.

C’est dans la bouche des humbles qu’ont été retrouvés les Contes de ma mère l’Oye du pays breton. Aussi M. Luzel a-t-il une véritable gratitude pour ces simples d’esprit qui ont conservé les traditions orales, comme les moines ont fait au Moyen Âge pour les manuscrits grecs et latins. Suprême ironie de l’ignorance ! Petit-Jean et Chicaneau en remontrent à leur juge, et les ouailles à leur recteur : pas de documents traditionnels, pas de critique anthropologique sans les illettrés. Le mendiant aveugle du Vieux-Marché, Garandel ; Vincent Coat, ouvrier à la manufacture des tabacs de Morlaix ; Barba Tassel, de Plouaret, porteuse de dépêches télégraphiques et courrier municipal ; Marc’harit Fulup, de Pluzunet, pèlerine par procuration et fileuse à la quenouille : voilà les préférés parmi les conteurs et les conteuses de M. Luzel, la dernière surtout. On lit avec un grand charme les pages pittoresques où l’érudit archiviste a esquissé le profil de ses collaboratrices en sabots, et l’on sent monter la sympathie pour ces pauvres femmes à qui l’on doit tant.

À Plouaret, où il avait établi son quartier général, et dans les manoirs de Keranborn, de Coat-Tugdual et du Melchonnec, les chanteurs et les conteurs émérites de Tréguier et de Cornouaille se donnaient rendez-vous l’hiver durant les longues veillées. « Un crayon à la main, atteste M. Luzel, je reproduisais les chants et les récits, séance tenante, littéralement pour les chants, aussi