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MAROUSSIA

soirée de musique qu’il avait osé donner au camp lui avait appris bien des choses. En même temps que ses oreilles entendaient, ses yeux avaient regardé et jugé. Les victorieux ne chantaient pas victoire, les vaincus n’avaient donc pas à regretter leurs efforts. Oh ! si on pouvait les régulariser par la concorde, si on pouvait donner de l’unité aux efforts ! Si on le pouvait, bien que la lutte fût inégale, on pourrait ne pas désespérer. Tout dépendait de ce que Tchetchevik allait trouver à Tchiguirine, mais il fallait y arriver.

Quelle heure était-il ? Le ciel sans étoiles ne donnait que des indications incertaines.

Voilà cependant qu’après des heures et encore des heures de marche brillèrent au fond des ténèbres, aux yeux des voyageurs, comme de petits points rouges. C’étaient les lumières de la ville. Bientôt se dessinèrent les murs et les grands bâtiments.

Il y avait quelque chose de lugubre dans l’aspect de cette sombre cité parsemée, de loin en loin seulement, de quelques lueurs tremblantes. Aucun bruit n’en venait, rien n’y attestait la vie. Ce n’était pas le silence réparateur du sommeil, mais celui de quelque inquiète attente. Le sentiment d’un danger prochain, terrible, semblait peser sur ces maisons serrées les unes contre les autres.

L’obscurité dans laquelle Tchiguirine se cachait semblait volontaire. Une vraie lumière y eût res-