Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
MAROUSSIA

n’est qu’un petit bouton de rose que la fatigue fait pencher sur sa tige ; elle a besoin de sommeil. »

Le grand ataman se leva, et, décrochant un magnifique manteau, il le jeta à Tchetchevik ; un splendide tapis de Perse recouvrait un banc. Il le montra à son hôte. Tchetchevik, en un clin d’œil, prépara un lit ; après quoi, soulevant le corps brisé de la petite fille dans ses bras, il la coucha et l’enveloppa depuis les pieds jusqu’aux yeux avec une tendresse de mère.

« Sourde et muette ! » lui avait-il dit tout bas en l’embrassant sur le front.

Le lit était placé à l’angle de la pièce. Encapuchonnée dans les plis soyeux du riche manteau, les yeux de l’enfant s’attachaient malgré elle sur son ami et sur le grand ataman, assis devant une table, en face l’un de l’autre, une lampe placée entre eux éclairant leurs figures. Quel homme que son grand ami ! Quelle noblesse ! Quelle force ! Son petit cœur frémissait de bonheur en le contemplant.

Mais l’autre, le grand ataman ! son cœur se serrait quand elle regardait ces yeux profondément enfoncés, étincelant d’un feu sombre, ces sourcils épais, ces rides prématurées qui creusaient son front imposant et fier. Ce jeune vieillard semblait être miné par un feu intérieur qui le brûlait sans cesse, jour et nuit.

Ils causaient doucement à voix basse.

Maroussia écouta longtemps le murmure de cette conversation, comme on écoute le bruit lointain des