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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/232

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MAROUSSIA

d’étrangers, trop de luxe, trop de dépenses. On ne déchiffre pas facilement les idées du maître de la maison, sais-tu ? Il n’en a pas peut-être…

— Ce serait le pis, répondit le grand ami. C’est le sort de ceux qui appartiennent à tous ; ils ne s’appartiennent pas à eux-mêmes.

— Mais le tien, celui que tu as vu ? dit Knich.

— Celui-là, répondit Tchetchevik, celui-là est un homme, et si tous étaient comme lui, rien ne serait perdu. Le jour où son âme paraîtra devant Dieu, nul ne pourra dire qu’elle habitait sur la terre un tronc de bois pourri. Il a ses travers, bien sûr, — il n’est pas parfait, — mais il aime son pays plus que sa vie, plus que son orgueil même. Il a consenti à tout, oui, même à s’effacer devant la brute de là-bas, et c’est beau cela ! car une tête haute et fière, cela n’est pas fait pour plier. Enfin, c’est fait. Il a écrit. Par exemple, sa plume grinçait sur le papier comme l’écorce de bouleau sur un tas de charbon ardent.

— Ma foi ! dit Knich, ça se comprend. Cela a dû lui coûter.

— Il le fallait, dit l’impassible Tchetchevik.

— Alors, reprit Knich, nous pouvons dire que, grâce à Dieu et à toi, la moitié de la besogne est faite ; reste l’autre ataman, l’ataman resté seul ! Celui-là excelle à tourner dans un rond.

— Nous ferons le manège avec lui, dit Tchetchevik, mais nous agrandirons son cercle. »