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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/153

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Et devient chaque son de l’étrange harmonie,
Comme un mystique extasié qui communie
Avec tout l’univers et passe en lui, si bien,
Que ces chants qu’on dirait d’un plectre éolien,
Accroché par hasard à la feuille qui vibre,
Sont des lambeaux d’un cœur pincé dans chaque fibre,
Qui pleure sous l’archet sympathique du vent ;
Et qu’on croit percevoir dans le rameau mouvant,
Non plus le friselis de la bise en personne,
Mais l’Être tout entier qui tremble et qui frissonne.

— Heure de panthéisme et d’amour suggestif !
Heure où le temps s’écoule en songe intuitif !
Où l’âme s’exaspère, où la femme se donne !
Heure grise ! heure lourde ! heure exquise ! l’Automne…

Pas de bruit. L’air est tiède et pesant. Cachons-nous.
Peut-être verra-t-on Pan lui-même à genoux
Devant l’inscription d’une pierre tombale,
Animer ses pipeaux ou choquer la cymbale ;
Et ses chèvres se dresser sur leurs sabots blancs.
Peut-être, tristement du profond de l’étang,
Les visions des anciens jours monteront-elles,
À travers la buée à peine grise, et telles
Qu’on voudrait tous les deux les contempler vraiment
Pour oublier…