Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/195

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Un soir d’oubli s’endort sur ton passé maudit ;
Ne fais pas démentir tout ce qui fut prédit.
Éteins le flamboiement de ta paupière ; expie
Tes visions de l’univers par diplopie,
Et chacun des aspects du grand cosmos faussé
Par les envoûtements de la blonde Circé.
Regarde en toi la source où le sage s’abreuve :
Sape la digue étroite, esprit grand comme un fleuve ;
Et que la verge en main, blanche, Dellayra
Frappe au rocher fécond de l’âme ; il vomira
Le flot sacré, le flot lustral cher à Pégase :
Toute la pureté des cascades d’extase.
Ainsi tu puiseras à même le torrent
Intérieur de tes bienfaits persévérants
La vertu sainte et les conseils des monitoires ;
Et les peuples ravis se pencheront pour boire
La parole de vie et le mot rédempteur
Émanés de ton souffle, ô Verbe créateur !
— Donc avance à l’assaut des lumineux portiques ;
Sors transformé de ton sentier érémitique ;
Marche vers les cités ignorantes de toi ;
Marche vers les tribus aveugles et sans foi ;
Marche vers l’insulaire impie, o patriarche !
Marche toujours vers l’âme de tes frères, marche.