Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/205

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Et son instinct ne peut retourner en arrière
Vers les plaines d’exil d’où sa sagesse a fui.
Du moins qu’avant d’entrer en l’éternelle nuit,
Que son rêve embrasa de soleils et de flammes,
Il puisse contempler la clarté de son âme,
Vivace et prolongée en l’infini des temps.
Qu’il palpe sa beauté divine et qu’un instant
Il puisse caresser ses yeux à son visage.
Oh ! goûter aux splendeurs que son amour présage,
Et s’inhumer, drapé dans ce ravissement !

— « Dellayra, je veux te voir, éperdument.
Je baise tes bras nus, je te presse et je pleure
Sur ton épaule, en cet instant, comme à toute heure ;
Et j’écoute l’écho de ton cœur en mon sein ;
Mais j’ignore toujours le nimbe qui te ceint.
Tu naquis dès que j’eus déchiré mes pupilles,
Et que m’abandonna ma jeunesse stérile.
Depuis lors tu conduis, sans trêve ni merci,
Le caduc tremblement de mon corps obscurci,
À travers les ravins et les défilés rudes,
Où je bois le calice amer des solitudes.
Or ce soir je voudrais, rouvrant mes yeux hagards,
T’envelopper soudain d’un limpide regard,
Et me brûler aux feux que mon esprit suppose.
Je voudrais m’absorber dans cette apothéose ;