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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/27

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leur plainte aiguë devient idée du monde, dirait Schopenhauer.

N’en déplaise aux poètes comme aux philosophes, une étroite parenté unit la poésie à la métaphysique ; elles existent sœurs éclatantes de l’esprit.

Longtemps une nébuleuse unique confondit ces deux astres. Leur clarté symétrique issue d’un seul foyer s’intensifiait d’une mutuelle influence et leur double incendie se conjuguait dans le même transport. L’orgueil aidant, à mesure que les planètes jumelles découvraient la source principale des communes richesses accumulées, le désir de s’affirmer reines d’un incontesté domaine, de luire indépendantes, d’éclairer à soi seule l’univers intelligible, les poussait à dissocier leur flamboiement, à segmenter leur éclat. N’ayant pu s’absorber, les conjointes, de tout point semblables à leur orbe générateur, s’enhardirent à s’échapper de la sphère directrice, à voguer, splendide pour son compte, au ciel de la pensée. Ainsi elles s’en allaient chacune vers sa destinée.

Des mages fidèles entreprirent le voyage aux régions bienheureuses, groupés autour de l’une et de l’autre étoile choisie selon leur cœur et leurs aspirations. D’abord les deux troupes s’avancèrent parallèles sans se perdre de vue. Le soir vint où s’accrut