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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/34

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point métaphysiciens sans le savoir, qu’aussitôt qu’ils réfléchissent sur le mode de formation et la qualité objective de leurs œuvres spontanément issues d’eux-mêmes, ils sont saisis de la démangeaison d’écrire un traité d’esthétique transcendante. La valeur de ces traités est précisément qu’ils viennent après la pratique et l’élaboration du Beau. Leur fin est d’expliquer ce phénomène inconscient, forme particulière de perception que Schopenhauer appelait organe du rêve et que je nomme intuition, — qui poussa les auteurs à soulager ce qui gémit en eux. Voilà pourquoi les opuscules de cet excellent philosophe que fut le poète Richard Wagner nous paraissent si précieux. Ils nous démontent les rouages intellectuels qui machinèrent ses drames et, loin d’avoir servi de moules tout faits où le théoricien n’a plus qu’à couler son art, mais bien au contraire, étant comme l’empreinte prise à même l’œuvre, ils nous avertissent qu’un artiste ressemble toujours plus ou moins à M. Jourdain, il fait de la métaphysique sans le savoir.

Tout de même, si chaque système philosophique devient un miroir où se réverbère le réel, il en est de plus ou moins vastes, de plus ou moins lumineux[1]. Nous possédons des glaces à main minuscules dans

  1. Par exemple, nul ne contestera que le système de Leibnitz contente mieux la raison que celui de Descartes. Plus amplement explicative et partant plus satisfaisante que la res cogitans