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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/33

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qui différencie le grand poète du philosophe est donc moins le sujet traité que la manière de le traiter. Tous deux expliquent la nature, l’un par réalisations immédiates, concrètes et instinctives, l’autre par voie de concepts et de façon discursive. À cette question qui définit admirablement l’objet de la métaphysique et de la poésie : « comment l’univers est-il senti, pensé, voulu par la conscience humaine ? » la première répond par une étude méthodique, la seconde au moyen de l’inspiration qui ne trompe pas, puisque les sentiments exprimés par l’artiste dans un poème sont l’équivalent conscient de la cause qui les a produits, la représentation psychologique de la réalité intérieure des choses, leur vraie réalisation dans la conscience, selon l’expression anglaise de M. Josiah Royce[1].

Bien mieux, tous les grands artistes sont à ce

    d’ajouter en note : « Cette définition n’a certainement rien de nouveau, et j’en suis bien aise, parce qu’on en peut vérifier la justesse dans l’histoire de toutes les grandes littératures. Voir plutôt les Pouranas indous et les Psaumes hébraïques ; le Prométhée d’Eschyle et le De natura de Lucrèce ; la Divine Comédie de Dante et le Paradis perdu de Milton ; quoi encore ? les Méditations de Lamartine et les Contemplations d’Hugo. Mais réciproquement, on n’a guère connu de grand métaphysicien qui ne fût poète en quelque manière, depuis Platon jusqu’à Hegel, en passant par Malebranche et par Spinoza. » Évolution de la poésie lyrique, t. II, p. 278 et 279.

  1. Voir Fouillée, op. cit.