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leur œuvre était nécessaire. N’empêche que leur esthétique fut un peu bien étroite et que leur métaphysique s’impose moins cohérente, moins générale, plus essoufflée que la nôtre.

Car c’est bien entre deux esthétiques opposées, partant entre deux métaphysiques, que nous nous débattons sans le savoir. Pour laquelle opterons-nous.

En dépit de leurs divergences apparentes, les philosophes s’accordent à distinguer deux manières profondément différentes de connaître une chose, nous dit un éminent penseur contemporain ; « la première implique qu’on tourne autour de cette chose ; la seconde qu’on entre en elle. » L’une procède par analyse et n’atteint que le relatif, l’autre touche à l’absolu par le moyen d’une sympathie intellectuelle qu’on nomme intuition. Dans le premier cas je saisis la chose du dehors ; dans le second je m’identifie à elle, je la vis, je la possède du dedans.

Pour illustrer sa profonde théorie, M. Bergson cite entre autres cet exemple : « supposons, nous dit-il, un personnage de roman dont on me raconte les aventures. Le romancier pourra multiplier les traits de caractère, faire parler et agir son héros autant qu’il lui plaira : tout cela ne vaudra pas le sentiment simple et indivisible que j’éprouverais si je coïncidais un instant avec le personnage lui-même. Alors