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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/41

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Il s’agit là d’autre chose que de rêves maladifs. Par cette assimilation d’eux-mêmes à ce qui les entoure et les complète, par l’organisation symphonique de leurs impressions diversifiées, les poètes en question demeurent et s’affirment plus amplement réalistes[1]. Ils ont voulu résoudre l’équation : tout ce qu’on voit, plus tout ce qu’on ne voit pas. Dès lors, pour être descendus jusqu’aux sources vives, pour avoir brisé l’enveloppe des apparences et débarrassé le Moi ultime des pellicules superficielles qui le défendent aux yeux vulgaires, afin d’ausculter le cœur des choses et d’en sentir en soi les battements par contre-coup, ils ont fouillé plus profond que les parnassiens : de même que pour s’être efforcés d’épuiser le contenu du réel, d’élargir leur conscience, de concevoir la vie dans sa plénitude, en ajoutant à la nature l’idée, la pensée à la réalité, ils se sont étendus plus loin du côté des confins du mystère. S’ils n’ont pu exprimer tout ce qu’ils ont entrevu, ils se savent possesseurs de trésors insoupçonnés jusqu’alors. Ils ne sortent pas de la réalité, ils la dominent et s’y incarnent ; ils l’enserrent toute et ne nient que sa limite. Ils captent à la fois l’Être et les êtres ; ils n’excluent que l’exclusion[2].

  1. M. Mauclair emploie le terme heureux d’idéoréalisme (C. Mauclair, Éleusis).
  2. Un philosophe lyonnais, trop humble et trop pur pour quémander les faveurs et la réputation auxquelles son génie a droit,