Aller au contenu

Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Oui nous sommes bien en présence de deux mécanismes de perception étrangement différents.

Par un clair matin de juin, alors que le soleil s’étale sur les labours qui fument et que le cri des coqs s’enroue derrière les meules de la ferme, j’ouvre ma fenêtre pour respirer les parfums nouveaux que la nuit fit éclore et dont la brise légère parsème l’ambiance. Et tout de suite mes yeux se reposent sur la forêt dressée à ma droite qui fuit en éventail jusqu’au bord de l’horizon. Me prend-il fantaisie, à cette heure où tout chante la joie de vivre, de célébrer le bois magnifique, de magnifier en des stances lyriques la ferveur des arbres séculaires, d’exalter les profondeurs calmes et palpitantes de mystère que mon esprit suppose par delà les houles de ce sylvestre océan, — alors deux procédés me sollicitent.

Je dirai les taches vertes, les colorations multiples,

    a écrit dans un livre admirable : « Le penseur est un esprit vaste, qui ne recule pas devant les larges synthèses. Il ne détruit rien, parce qu’il se sent assez fort pour tout embrasser. Il n’exclut rien, il concilie tout. C’est l’unité qu’il cherche lui aussi, comme tous les philosophes, mais non cette unité mesquine, factice, étroite, du petit système intolérant et exclusif : il creuse assez profond pour trouver l’Unité vraie, celle qui, dans l’immensité de son sein, nourrit en paix les contraires eux-mêmes, comme la terre porte ses pôles, unis par les milliers de lieues qui les séparent. » Joseph Serre, Au Large, p. 107.