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faite. » Sollicité par ce qui passe, le phénomène, il oublie l’essence, ce qui demeure. C’est la parole de Faust :

« Alles Vergängliche ist nur ein Gleichniss. » Tout ce qui passe est symbolique[1]. Il recueille les fulgurations de l’Être sur l’écran de son esprit, mais n’ose se plonger dans la source de feu intérieur, éblouissante.

Le parnassien ne pense, ne traduit que des symboles.

Bien au contraire, « s’il existe un moyen de posséder une réalité absolument, au lieu de la connaître relativement, de se placer en elle au lieu d’en faire l’analyse, enfin de la saisir en dehors de toute expression, traduction ou représentation symbolique[2], » la poésie symboliste est cela même. Le poète actuel, avec toute son âme, pénètre au delà des phénomènes, jusqu’au cœur du réel, sans le secours d’une dialectique. Le monde n’est plus regardé seulement à traders les objets, ces verres asymétriques qui déforment, il est perçu sans intermédiaire, irréfrangible. Agriffé aux sinuosités de l’existence, le symboliste ne fait qu’un avec la Vie, avec la Conscience universelle, par connaissance immédiate. Selon la forte expression de Plotin, μύσαντα ὂψιν, le poète symboliste voit les yeux

  1. André Gide dit de même : « J’appelle symbole tout ce qui paraît. » Traité du Narcisse.
  2. Bergson, op. cit. p. 4.