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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/49

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vécu, nécessité est de matérialiser ma pensée, de descendre dans l’empirisme, de m’aider des catégories. Puisque je dois non seulement m’entendre, mais aussi me faire entendre, je remplace mon sentiment original par un mot plus ou moins adéquat, semblable, jamais identique, je substitue un schème, une image simplifiée et appauvrie à un état d’âme riche et touffu, et me voici retombé dans l’ornière dialectique obligatoire. D’où l’emploi nécessaire de symboles à titre de procédés d’expression[1].

On saisit la différence. Le parnassien lui aussi use

  1. M. Récéjac dans un excellent livre : Essai sur les fondements de la connaissance mystique, a fort bien mis ce point en valeur. « À l’aide des catégories, dit-il page 38, on ne peut penser que les choses empiriquement données : et alors, où prendre des schèmes pour penser le Bien et des points de repère pour le fixer dans une région quelconque de l’esprit ? Nous verrons que le Mysticisme n’a d’autre fonction que de suppléer à ce défaut au moyen de symboles. » Et plus loin : « Pour déconcerter le subjectivisme, on lui a porté le défi d’exprimer en propres termes ses découvertes : cela est de mauvaise guerre. Y a-t-il des mots pour exprimer directement les sensations élémentaires ? Il suffit que chacun puisse se dire à lui-même les affirmations premières de la conscience soit empiriques, soit morales ; ce n’est que par un travail ultérieur qu’on les comparera en vue de les exprimer analogiquement. — C’est ce fond du moi, proprement impensable, qui sera la source de tous les faits mystiques. Les symboles, plus intimes qu’aucune sorte de signes, sont des analogies créées spontanément par la conscience pour se dire à elle-même les choses qui n’ont pas d’objectivité empirique. » Le même auteur avait déjà écrit :