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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/55

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C’est donc au moyen de transpositions perpétuelles, en variant sans cesse sa palette et ses tonalités, et grâce à des harmonies successives que le poète symboliste parvient à manifester sa pensée, à dire son âme sans trop l’oblitérer[1].

Sous l’empire d’une passion violente, alors que mon cerveau brûle, que mon sang bout, que mon cœur saute dans ma poitrine, que ma chair s’horripile, vous venez à moi, me prenez les mains et votre amitié en sollicitant la confidence hâte mon soulagement. Tandis que je détaille ma douleur, les mots se pressent, pittoresques, imagés, sans ordre, très expressifs. On dirait que je m’exhale dans chacune de mes phrases bousculées. Des souvenirs lointains, heures charmantes, attendries, remontent du fond de ma mémoire qui saigne. Je les raconte pour mieux vous rendre participant à mon mal. Tel détail superflu, semble-t-il, intensifiera la contagion ; je le répète, je le multiplie. Je trace des portraits, je situe

  1. « Notre poésie est un symbole, et c’est ce que doit être toute vraie poésie, car la parole de Dieu, lorsqu’elle se transforme en la parole de l’homme, doit se rendre accessible à nos sens, à nos facultés, s’incarner en nous, devenir nous-mêmes. Elle revêt une teinte obscure, parce qu’elle est reflétée par des organes obscurs. Au fond, le symbole est une vérité que la langue de l’homme ne peut pas dire à l’oreille de l’homme et que l’esprit dit à l’esprit. » Ballanche. Orphée. Œuvres, édit. in-8, t. IV, p. 364.