Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/61

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pour ne parler que d’états d’âme. Là encore, il sera facile de montrer en deux mots que l’esthétique symboliste, mieux que toute autre, permet au poète d’exprimer ses passions dans toute leur vérité, sans rien leur ôter de leur intensité intérieure, et d’atteindre jusqu’aux nappes profondes de la Vie.

Des deux moi qui résument nos activités psychiques, l’un superficiel, et, pour ainsi dire, abstrait, où se condense et s’immobilise le résidu de nos émotions, en sorte que nos états d’âme n’apparaissent plus au regard de la conscience que comme dépouillés de leur vie, de leur complexité originelle, à la manière, un peu, des schèmes mathématiques ; l’autre fondamental et concret, difficile à saisir dans la représentation, car en ses couches inférieures s’agitent confusément tous les courants de vie, toutes nos virtualités ; — de ces deux moi, dis-je, le parnassien ne saisit que le premier en surface, le plus facile à immobiliser, à clicher sur des concepts, le plus impersonnel aussi et le plus général. Il l’exprime avec des mots abstraits, interposés comme une muraille étanche entre la sensation et la conscience, au moyen d’images banales, impropres aux nuances et pouvant resservir indistinctement à l’expression de toutes les passions. Le parnassien n’aperçoit que la façade de son moi et n’objective que des impressions à fleur de peau.