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poésie noble, « haute comme un ciboire »[1], une poésie d’idées où s’atteste le souci contemporain d’approfondir jusqu’à la passion les rapports de l’homme avec la nature et de l’homme avec l’homme. Selon l’expression de M. Brunetière, le symbolisme est la réintégration de l’idée dans la poésie, car pas de pensée pas de symbolisme. L’éminent critique dit encore avec raison : « tout symbole suppose une idée sans le support de laquelle il n’est qu’un conte de nourrice ; et toute symbolique implique ou exige, à vrai dire, une métaphysique, j’entends une certaine conception des rapports de l’homme avec la nature ambiante ou, si vous l’aimez mieux, avec l’inconnaissable »[2].

Immédiatement deux conséquences se font jour : la première concerne le choix du sujet ; la seconde oriente le rôle social de l’art.

Le poète symboliste, dont l’effort s’éternise à dévoiler les idées que cachent les formes, se sent naturellement attiré vers le mythe antique et la vieille légende nationale. À la manière des classiques du xviie siècle, afin que s’universalise la généralisation de ses rêves réalisés, il situe le sujet du poème dans une époque lointaine. Major e longinquo reverentia, dit Racine dans la seconde préface de Bajazet. C’est bien

  1. L’expression est de M. Mithouard dans son beau livre le Tourment de l’Unité, p. 258.
  2. Brunetière, op. cit., p. 253.