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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/64

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Ils ont bien compris, d’abord, les symbolistes, que la vie est grave, que le dilettantisme malsain, que l’impuissance de l’art pour l’art doivent être tenus pour névroses passagères. Après avoir poliment éconduit, couronnées de roses, les Elvires et les Charlottes, pour n’enregistrer, parmi les convulsions de leurs âmes viriles, que les plus représentatives de la génération actuelle, pour mieux chanter l’infini des souffrances terrestres que chacun porte en soi[1], — ils se sont efforcés de nous donner une poésie pleine, une poésie pure, une poésie complète sur le modèle de Pindare et des tragiques grecs[2], une

  1. « Le poète ne sera plus lui-même la matière unique de ses chants ; il ne nous fatiguera plus du récit de ses bonnes fortunes ou du souvenir de ses débauches ; il ne sera plus Byron, ni Musset, ni Don Juan. C’est aux sources inépuisables de la Nature, de l’Histoire, de la Science, qu’il rajeunira son inspiration ». Brunetière, op. cit., t. II, p. 274.
  2. « Ce qui distingue d’abord les symbolistes des parnassiens de jadis, c’est leur ambition, tout au moins, d’écrire de grandes œuvres ». Beaunier, op. cit., p. 12. Pour combattre par une naïveté l’ironie facile, je me hâte d’ajouter que la grandeur du cadre n’a rien à voir avec la grandeur de l’œuvre. Il se peut qu’un vers l’emporte sur une tragédie et qu’un mot suffise à enfermer le cri de l’humanité. Émile Male, à propos des médaillons de la cathédrale d’Amiens, a donc raison d’écrire : « Dans ces petits tableaux l’homme fait des gestes éternels ». Art religieux du xiiie siècle en France, p. 91.