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ÂME BLANCHE

Comment en arrivais-je, avec mon faible jugement de fillette ignorante de la vie, comment en arrivais-je à comprendre la sorte d’exercice auquel se livrèrent, chez nous, les trois individus à tournure policière ? Comment en vins-je à savoir que c’était là ce qu’on nomme, en termes judiciaires, une « saisie-gagerie »…, comment pût-il se faire que je me rendisse aussitôt un compte exact de la situation et que je susse si nettement ce qui l’avait provoquée, ce qui l’avait rendue fatale, inévitable, enfin, ce qui la rendait aujourd’hui irrémissible ?

C’était, soudain, comme si, depuis longtemps, j’eusse pénétré ce qui se passait de désastreux entre les murs — pourtant si discrets ! — de cette maison ; comme si j’eusse lu, sous les nuages de leur front, la pensée de ceux qui l’habitaient avec moi et qui, eux, savaient la vérité. Mille indices frappants de ruine, de désordre et d’erreur s’accumulant au sein de cet intérieur, d’apparence si honorable et si correcte, me revinrent à l’esprit : la parole déçue et un peu vexée du professeur Oppelt à qui, c’était certain, on ne payait pas régulièrement la pension de ma pauvre mère ; l’allusion timide de M. Pluvinage, l’aîné, aux trimestres échus de Jacques Holstein ; l’avarice devenue sordide de ma grand’mère ; l’angoisse croissante de Mlle Josine devant les demandes d’argent pressantes et réitérées de son père…, enfin, des rentrées noc-