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ÂME BLANCHE

turnes de celui-ci, titubantes et bruyantes, qui réveillaient tout le monde, qui faisaient se lever ma tante de son lit, précipitamment, et répondre d’avance à la question muette de mes yeux ouverts et consternés :

— Ce n’est rien, Line, un malaise du docteur ; j’y vais ; rendormez-vous.

Maintenant, hélas : il n’était plus de feinte possible ; tous les pieux mensonges de cette fille à l’amour filial passionné devenaient superflus : je savais. Mon grand-père, par des dépenses plus ou moins avouables, mais exagérées, par une vie extérieure restée pour nous pleine de mystère, mais que je devinais peu orthodoxe, nous avait ruinés tous, en se ruinant lui-même ; et l’on allait vendre jusqu’à ses meubles pour l’apuration de ses dettes.

— Ma tante, qu’allons-nous devenir ? m’écriais-je, tout d’un coup, devenue très lâche devant la brusque appréhension d’une réalité si effrayante.

Les recors, occupés au dénombrement de notre mobilier en détaillaient les différents articles à haute voix, dans la salle à manger ; l’armoire aux porcelaines de Delft et aux argenteries Henri II, béante, laissait voir le vide lamentable de ses rayons soigneusement recouverts d’un papier brun où le poids des objets avait imprimé leur forme ; il y avait en déroute, par terre, des piles d’assiettes et des piles de linge damassé,