Page:Wiele - Ame blanche.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
ÂME BLANCHE

Des mois, de longs mois formant deux années pleines, passèrent. Et nous eûmes des hivers très dissipés, des étés de villégiature à Ostende, mais je restai peu sensible aux charmes de la vie mondaine : je lisais beaucoup et, seules, la musique et la lecture me procuraient des jouissances véritables.

J’avais goûté aux vanités du monde et, bien qu’elles m’eussent d’abord séduite, j’en arrivais à juger qu’elles ne m’avaient apporté que déception et lassitude. De plus en plus, je me voyais différente de ce milieu de parade, d’artifice et d’hypocrisie où évoluait Mme Lorentz : je ne pus jamais me lier avec aucune jeune fille de ses relations et, comme je n’en connaissais pas d’autre, je n’eus ni confidente ni compagne ; j’étais trop simple, je restai trop franche, trop expansive, trop rustique et, vraiment, je ne respirais à l’aise, je ne sentais mes poumons se dilater, mes artères battre et mon sang courir vif et chaud dans mes veines que quand je me trouvais au plein air des champs, parmi les herbes souples des prés, sous l’ombre verte et embaumée des bois. L’hiver, la promenade pédestre par les routes gelées, blanches de neige, de la banlieue anversoise où l’on me permettait d’aller, parfois, sous l’égide de Véronique, avait pour moi un attrait irrésistible.