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ÂME BLANCHE

temps et les événements, qui me faisait m’effrayer, presque, d’une tendresse qu’on venait de me montrer difficilement admissible dès qu’elle n’était plus puérile.

— Je ne vous en demande pas tant, m’interrompit Mme Lorentz. Pourvu que vos lettres soient moins fréquentes et que je les puisse contrôler, c’est toute mon exigence.

Mais le charme était rompu et, soit que Jacques eût été, comme moi, averti d’avoir à m’écrire moins souvent et avec moins d’effusion, soit qu’il subit là une impression purement personnelle, ou, encore, que ses études à Gembloux l’absorbassent trop, de part et d’autre cette correspondance perdit toute grâce expansive, devint morne, froide, compassée. J’en fus très malheureuse, sans, toutefois, me rendre exactement compte d’où venait mon malheur ; et, excessive, comme le sont les enfants, je devins, soudain, fort peu épistolière. Cela arriva au point que Mme Lorentz dut me dire, elle-même :

— Eh bien ! vous n’écrivez plus du tout à Jacques ? C’est mal ; il en aura du chagrin.

J’avais laissé la dernière lettre de mon ami trois mois sans réponse, et quand, enfin, il fallut m’y mettre, je ne savais comment m’y prendre : les mots ne venaient pas sous ma plume et je ne trouvais rien à raconter à Jacques. Quelque chose avait passé sur nos relations d’enfance, qui les glaçait en les transformant.