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ÂME BLANCHE

et des narcisses ; au potager, où les plants de fraisiers, bordant les carrés de choux, étaient tout étoilés de blanc, et jusque dans la maison où des bouquets ornaient tous les meubles, où des pots de primevères garnissaient tous les châssis de fenêtres. Sur la rivière, un bateau plat, le bateau idéal de mon enfance, était amarré.

Oh ! la charmante, la fraîche et délicieuse résidence que cette ferme des Tilleuls ! Nous y bûmes du lait comme jamais en ma vie je n’en avais bu, qui avait un goût de musc et d’amandes, qui vous laissait aux dents un parfum exquis ; nous y mangeâmes du pain de froment meilleur que la plus délicate brioche, et les œufs qu’on nous servit, nous avions été les chercher nous-mêmes au poulailler : mon oncle les déclara incomparables. Nous avions déjeûné sur une terrasse, devant l’habitation, et ce qui mettait le comble à mon ravissement, c’était, au bout de cette terrasse, au delà de la vaste étendue des plaines, des champs, des prés, l’horizon sans limites, reculé dans l’infini et qui permettait au rêve un essort sans entrave.

Je respirais largement, pleinement…, et j’étais comme une exilée qui retrouve sa patrie, avec une sensation de vie tellement forte, tellement intense que toutes mes facultés en étaient accrues et comme décuplées.

— Lina, vous avez pu vous en convaincre, me dit Jacques, qui m’observait depuis un bon