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VI


Un autre souvenir très net de ma vie d’enfant, c’est celui de la promenade que nous faisions parfois, Mme Veydt et moi, en nous rendant au marché de la place Saint-Géry. Pour cela il nous fallait parcourir bien de voies aujourd’hui disparues, tout un quartier de la ville basse métamorphosé par les travaux d’assainissement de la Senne. Je baisse les paupières sur le présent… et, aussitôt, je revois ce quartier tel qu’il était alors : des rues coupées par des ponts de bois très vieux, sous lesquels traînait la rivière — une pauvre rivière trouble, sale, mal odorante ; — des profils de maisons bien vieilles aussi, coiffées de toits en éteignoirs, sur lesquels dansaient la lumière… de si étranges corps de bâtiments, avancés dans l’eau, sur leurs pilotis moussus ! C’étaient des annexes d’habitations, où il semblait que les chariots roulant sur les ponts, mettaient une trépidation effroyable, une continuelle menace d’écroulement.

La Senne passait ici entre deux murailles basses surmontées d’un treillis : les murailles des jardins, qui, à la belle saison, fleurissaient