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ÂME BLANCHE

au juste, cette entrevue ? La pauvre créature me reconnaîtra-t-elle…, pourra-t-elle me reconnaître, après tant d’années ? Elle-même est bien changée, sans doute, bien peu ressemblante à l’image que mes yeux en ont retenue. Elle est folle… Comment est-on quand on est fou ? Mon grand-père certifie que je vais recevoir une mauvaise impression de cette visite. Et si j’allais, au contraire, trouver maman très raisonnable, très lucide ! Les Veydt disent qu’elle est folle. Qu’en savent-ils ? je n’ai jamais appris qu’aucun d’eux eût été la voir chez le professeur Oppelt et c’est lui seul qui les renseigne sur l’état de sa pensionnaire… »

Dans le zèle de mon amour filial exaspéré, je n’étais pas loin de les accuser, tous, de complot et de ce crime odieux de séquestrer ma mère arbitrairement.

La journée fut, pour moi, fiévreuse et je passai la nuit dans un sommeil agité, au milieu de rêves qui me montraient ma mère sous les aspects les plus contradictoires : tantôt charmante et telle que je l’avais connue ; tantôt hagarde, échevelée, l’œil fixe, telle que le préjugé et l’iconographie représentent la démence.

L’aube, une aube timide et frissonnante du mois d’octobre, blanchissait à peine les vitres de ma fenêtre que je sautai à bas de mon lit, disant :