Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/50

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mendier un morceau de pain noir le long des royaumes que leur valeur a sauvés. La misère et les maladies incurables dans une ligue cruelle assaillent à la fois une multitude de désespérés, et ne leur laissent d'asile que dans le tombeau. Vois-tu cette foule de morts que les hôpitaux gémissans rejettent de leur sein ? Vois-tu cette autre foule de mourans qui se pressent à leurs portes et sollicitent la place que les morts ont laissée ? Combien d'infortunés, nourris autrefois dans le sein des plaisirs, implorent aujourd'hui la main froide et lente de la charité, et l'implorent en vain! Riches voluptueux, quand le plaisir vous lasse, dans ces momens d'ennui où le monde vous devient insipide, venez respirer dans ces tristes asiles : ouvrez vos mains, donnez et ranimez en vous le sentiment du plaisir en voyant ce que souffrent les malheureux : mais vous êtes sans pudeur, et si vous rougissez encore, c'est de la vertu.

Encore si le malheur ne saisissait que le vice! Mais ni la prudence ni la vertu ne peuvent nous défendre de ses aveugles mains. Les maladies attaquent la sobriété comme l'intempérance; on est puni sans être cou-