Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/140

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la mort des petits, la fierté, puis les déchirements de l’adolescence des grands. Elle a fermé les yeux de son vieux mari gâté de violences, racheté par ce bon cœur dont elle regrette encore aujourd’hui les mouvements intermittents et seuls retenus. Elle a travaillé dans une médiocrité heureuse. Elle possède juste assez de bien pour vivre sans effroi. Ses enfants mariés, dispersés, elle habite seule sa maison propre, à l’entrée du village, et n’est pas dépourvue de petites rentes.

Et aujourd’hui, la voici presque tout à coup, — car siècles et demi-siècles ne sont point si longs qu’on pense, — cette vieille encore solide, à l’épaule épaisse sous le caraco, mais au visage travaillé par les stigmates des mille jeux de l’âme au cours d’une vie. Large visage plissé par l’habitude du rire, croirait-on à sa bonne humeur ; mais surtout par beaucoup de chagrins endurés, surmontés d’une bouche serrée, d’un front crispé, des joues creusées.

Quelle lumière pourtant dans cette figure ravagée ! La lampe de la jeunesse n’était rien : un feu follet ! Ici, il y a une source de sagesse, de bon conseil, de discrétion : Une irradiation du discernement juste. Un jaillissement de vérité. C’est son front vertical comme l’ont seules les femmes. Ce sont ses yeux dont le regard devenu