Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/142

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raillerie contre les mijaurées, l’ironie contre les gars trop ardents au plaisir, l’allusion contre les hypocrites. Elle fait des mots sans le savoir, soit contre les méchantes filles, soit à la louange des sages. Voilà tous ses sermons. Mais on aime bien sa vieille morale et l’on craint ses sentences, si légères qu’elles se montrent. Au surplus, sa compagnie plaît plus que celle d’une jeune femme. « On n’en fait plus comme ça », disent les garçons.

C’est son esprit. C’est aussi son cœur. Les confitures qu’elle fabrique l’été, ce sont les petits enfants du pays qui les mangent, ou les femmes en couches, ou les malades. Quand une mère de famille est conduite à l’hôpital de la ville, c’est Marie qui garde la marmaille. Elle ne donne pas d’argent, ce serait contraire à l’usage ; mais c’est de sa peine qu’elle fait cadeau. Ou bien ce sont des aumônes en nature. Une poule au pot. Un pain de six livres. Les mauvaises gens la disent avare. À la vérité, elle a l’économie dans le sang. Serait-elle, autrement, la vieille Gauloise qu’elle apparaît, si typique avec sa langue hardie, sa bonne sagesse et son bas de laine ? Avare, point. Mais épargneuse ; l’esprit volontiers tourné vers le magot que ses enfants trouveront à sa mort ; grattant, pour le grossir, ici trois sous de fromage, là douze de bifteck, — sauf quand il s’agit de les