Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Allons, reprit-elle en levant les mains, comme pour les repousser. Donnez-moi deux minutes, petits misérables, que je fasse devant Dieu mon acte de contrition, Car s’il faut que je le voie t’à l’heure, j’ai besoin, premier, qu’il me pardonne toutes mes fautes.

Ils la virent se remettre droite sur son lit, tracer sur sa camisole le signe de la croix et prendre à deux mains son visage. Lereduc, le fils du pompier, le gringalet, le plus jeune, fixait les yeux sur ces vieilles mains cordées de veines, gonflées de nœuds comme du bois de chêne ; la pointe des longs doigts atteignait les tuyaux du bonnet blanc quand la paume s’appliquait au menton. À la fin, il se détourna, sa lèvre inférieure se mit à trembler, il murmura :

— Fais comme tu voudras, moi je peux plus.

Et l’on entendit le bruit que fit son couteau jeté à terre. Mais Crozant était homme déjà, plus lent à se défaire de cette rage affreuse qui le possédait ; plus pénétré aussi de cet absurde sentiment d’honneur qui vous assujettit dans une méchanceté dont on rougirait de démordre. Il hésitait par honte du bien. Lereduc pleurait dans un coin de la chambre, mais lui restait immobile, à lutter contre la pitié. Lorsque les mains de la vieille tombèrent, il vit ses yeux bruns tout luisants et