Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/179

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femmes égoïstes, le miracle de cette jeune marquise éclatante de vie qui traînait à l’autel un moribond. Jamais Saint-Pierre de Chaillot n’avait connu pour un mariage, assistance si houleuse. Chacun voulait contempler de ses yeux le véritable héros de la cérémonie, l’inspirateur du sacrifice, Prosper, le marié in extremis. Il déçut un peu, car il marchait sans la canne fatale que l’on aurait désirée. La vie est un théâtre. Le monde aime à y voir des spectacles bien caractérisés : une Camille plantureuse, un Prosper agonisant : « Grâce au bonheur, murmurait-on à la sacristie, il durera peut-être six mois… » C’était encore trop au gré des amateurs de drame.

Le banquier Bresle, qui n’y était pas venu, se fit relater par sa sœur la cérémonie. Il s’enquit du teint de Prosper, de son amaigrissement, de la fermeté de sa démarche. Quinze jours plus tard c’était lui que les médecins envoyaient à Vichy.

Quant à Camille elle en venait à oublier totalement qu’elle avait épousé un malade. Même les écarts de régime demeuraient sans effet sur la santé de Prosper. Les médecins qui, dans la crainte d’une catastrophe, avaient défendu le moindre petit voyage de noces, déclaraient : « C’est un mieux fallacieux, un mieux trompeur. » Quand on a vingt-six ans, on exagère volontiers l’impor-