Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/187

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tache y est apparue. Alice l’y a mise le jour qu’elle a introduit dans cette zone divine, à ce point ineffable qui est la jonction de deux cœurs humains, le soupçon que je ne l’ai épousée que par calcul, par intérêt.

Tu me connais depuis notre quatrième, tu sais mieux que moi le peu que je vaux : l’homme qui s’emballe au petit déjeuner pour des mérites extraordinaires, pour la sérénité de sa journée, pour une hauteur d’âme à toute éventualité, et qui, au premier coup de téléphone embêtant, se dégonfle, retombe à plat, ne retrouve plus que la baudruche de son égoïsme, de son mauvais caractère, voilà ce que je suis, le même à trente-cinq ans qu’à l’âge ingrat, ni meilleur ni pire. Je ferai un vieillard sans grandeur, sans majesté. Quelque chose me force, contre mon gré, d’être médiocre. Mais enfin, il faut le reconnaître, contre mon gré, et, dis-moi, as-tu connu rien de véritablement malpropre dans ma vie ? Non, n’est-ce pas ? Mes goûts ne sont point bas et il me semble que j’ai l’âme assez claire. Jouer la comédie de l’amour pour obtenir par la femme la situation et la fortune, enfin, mon cher, est-ce de moi ? Eh bien ! voilà pourtant de quoi m’accuse Alice. Voilà sur quoi serait fondée d’après elle notre malheureuse communauté.