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Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/188

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Il y a des maris qui soupçonnent leur femme de les empoisonner lentement. Leur palais est sans cesse en éveil. Ils trouvent un goût phosphoreux à leur pâte dentifrice, un goût de salpêtre à leur cigarette. L’eau minérale débouchée à table leur est arsénieuse. Alice souffre comme ces maris. Elle reconnaît sur mes mains, sur mes lèvres un goût de marché. Elle respire les petits présents que je lui fais, bijoux, fleurs, parfums ; ils ont une odeur de papier-monnaie. Tu comprends, j’achète toujours ma place de directeur commercial aux usines de son père ; j’achète toujours sa dot. Le moindre baiser est un chèque. Je donne signature sur signature, mais elle se dit que l’or, elle ne le verra jamais. Ne proteste pas, mon cher, ce furent ses propres paroles lors d’une de nos atroces discussions sur la nature de mes sentiments pour elle. Elle est vraiment une intoxiquée en imagination.

Tu te demandes comment elle s’est avisée de mon prétendu mensonge ? En effet, il n’en a pas toujours été ainsi et nous avons passé cinq ou six années de bonheur limpide. Comment c’est venu ? Ah ! mon vieux, tu ne connais pas Alice. Tu te figures qu’une femme comme elle, quand sa vie morale bute sur un obstacle, cela se sait ? Tu imagines que ses proches en sont informés, que