Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/191

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Ses livres étaient recouverts d’un papier batik. C’était pour que je ne pusse en savoir les titres. Je revois toujours son geste, quand je la surprenais plongée dans un roman, de fermer son livre comme une claquette et de l’enfermer sous son bras, mieux qu’à clef.

— Que lisiez-vous, Alice ?

— Oh ! une ineptie.

À l’entendre, elle n’aurait jamais lu que des inepties. Pas une fois elle n’a avoué de l’intérêt pour une lecture, même lorsque je lui voyais les yeux rouges et que je me mourais de son mystère. J’en suis encore à me demander si elle n’écrivait pas son journal comme les petites filles de cet âge ; un journal où il y aurait eu des langueurs, des clairs de lune, des mots comme ceci : « Pierre m’a embrassée moins fort qu’hier : il ne m’aime plus. » Je l’ai vue, un jour, précipiter en hâte un cahier dans la commode. Mais, après tout, je sais qu’elle copiait aussi des poésies, en secret.

Avec cela, bavarde comme un oiseau. Ne tarissant ni de rires ni de paroles. Elle moussait comme ces champagnes avec quoi l’on est toujours volé au moment de boire ; pas un atome d’elle-même au fond du verre. C’était des autres qu’elle parlait. As-tu remarqué, mon cher, qu’un