Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/194

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mère, mes sœurs, tout ce qui me touche de près. Elle m’a dit un jour : « A-t-il fallu que l’enjeu soit beau pour que vous consentiez à perdre Monique et Paulette, ces modèles ! » Une autre fois : « Sans votre mariage, vous moisiriez encore au ministère sur le propre rond de cuir de votre père. Le plus triste est qu’il a fallu prendre la fille avec l’usine des Vallées. » Voilà, mon cher, ce que je dois entendre sur une bouche que j’aime toujours, je te le jure. Oh ! dans ce cas-là, certes, je doute si je ne déteste pas ma femme. Mais, que par là-dessus elle pleure un peu, mon cœur fond, je n’ai plus envie de la quitter, de fuir, de reprendre ma liberté — parfois de brutaliser cette pauvre petite.

Dis-moi, oh, dis-moi le moyen de la convaincre que c’est elle que j’ai voulue, que je l’aurais prise en haillons rien que pour ses seize ans, sa joue en fleur, la nuit parfumée de son âme, son énigme ; que je l’aime enfin puisque depuis huit ans, crois-le ou ne le crois pas, je lui reste strictement fidèle. J’ai vu des femmes très bien ; l’idée de trahir Alice m’a toujours paru monstrueuse. Tu vois, tu ne protestes pas parce que tu me connais. Eh bien ! Alice protesterait, elle. Oui, en haillons je l’aurais adorée. Si je l’aurais épousée ? Mais… mais… je le crois mon cher.