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Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/208

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Maintenant, tu sais tout.

Alice m’aimait. Je ne crois pas que beaucoup d’hommes aient connu le même bonheur que moi. Je te fais juge : était-ce un bonheur impur ? Mon sentiment, comme le dit ma femme, fut-il gâté par le calcul et l’intérêt ?

Mais, dans le mariage, il n’y a pas de sentiment pur ni de décision irréfléchie. Je défie un mari de ne s’être pas, fût-ce une minute, assuré contre la personne même de sa fiancée, contre le péril des inconnues de sa fiancée (car enfin on épouse toujours la nuit féminine) par des considérations subsidiaires à l’amour. Au plus vif d’une passion, un homme ne perd jamais de vue que cette passion ne remplira pas toute sa vie. Cette secrète lucidité — et souvent inavouée — l’avertit des apports que lui fait la femme élue en vanité, en considération, en relations, en joies culinaires ou en millions. Je crois pouvoir passer à ce titre parmi les plus désintéressés. Pourquoi faut-il qu’Alice à vingt-deux ans se soit avisée sans motif de son aveuglement et de ma cupidité !

La pauvre petite souffre, prétend qu’elle n’est rien pour moi, que je n’ai jamais pu lui prouver