Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

commercial, pulvérisait ma chétive personnalité. Je m’humiliais moi-même à plaisir. Je n’ambitionnais plus que l’éternité de ma chaise d’expéditionnaire à la Chancellerie pourvu que le père courroucé s’écriât à tout le moins : « Tenez, prenez-la, ma fille, mais sans un sou. »

Alice seule, Alice sans perles ni soie, Alice pauvre, Alice nue, voilà exactement ce que je pleurais. Et je te donne ma parole, mon vieux, qu’au point où j’en étais, le reste ne comptait plus.

Quelqu’un ouvrit un jour la porte de mon bureau, place Vendôme. Celui qui est aujourd’hui mon beau-père s’avança vers moi, les épaules carrées, sa forte tête frisée, ur port de maître. Il n’y a que lui pour vous prendre aussi affectueusement par le bras. Il souriait gentiment : « Je vous emmène dîner chez Gustave. J’ai à vous parler. » C’était pour me proposer la place que j’occupe encore à cette heure. Il m’apparut comme un dieu. C’est justement ce qu’il aime.

Pourquoi il m’a accepté comme gendre ? J’avoue qu’aujourd’hui, je ne le sais toujours pas. Peut-être parce qu’Alice l’en avait prié. Peut-être parce qu’à ma première visite, cet homme sensible comme un fil de soie a perçu en moi une adoration, parce que mon visage était émerveillé devant lui.