Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/28

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Chaque bureau en eut la curiosité. Le vieux chef de la maison l’accueillit solennellement, lui prédit un bel avenir, la questionna. Ginette avec une modestie véritable, ouvrait sa petite bouche peinte, répétait à qui voulait l’entendre :

— J’ai écrit cela tout naturellement. Cela m’est venu sans peine.

— Mon enfant, lui dit le vieillard, il vous faut travailler beaucoup encore, mais nous ferons de vous quelque chose.

Plus tard, quand il revit H… :

— Mon cher ami, vous avez dans votre propre maison une fille sans le sou qui nous a donné un petit chef-d’œuvre.

— Vraiment ?

H… n’en dit pas plus, mais il souriait. Ses fortes lèvres glissaient sur sa denture célèbre. Ce n’était ni de l’ironie, ni du désenchantement, ni du dépit, ni de la malice, mais une belle joie jeune du succès. C’était le succès tout vert et tout cru qu’il avait connu à vingt-cinq ans. C’était le succès de l’étonnement, de la surprise. On le découvrait de nouveau. Il pouvait encore, avec son vieux talent, devenu officiel, frapper le public, en tirer ce cri qu’il ne pousse qu’une fois : le jour où il vous a décelé. H… se disait :

— Ainsi, j’aurai eu deux débuts…