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Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/66

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Elle avait les jambes de Diane, la souplesse d’Hébé, les cheveux de Vénus, couleur de marron d’Inde et qui descendaient jusqu’à ses genoux. Sa femme de chambre, qui les portait à la garçonne, lui ayant demandé pourquoi elle ne les faisait point couper à la mode du jour, cette intrépide créature, qui bravait tous les éléments, eut comme l’effroi du ciseau. Elle frissonna et répondit à la manière de la reine Clotilde : « J’aimerais mieux mourir que d’être tondue. »

Faute d’argent, elle n’était jamais allée à Paris, mais elle faisait venir des robes en confection des Galeries Modernes, et son corps était si parfait que les costumes de chasse ou les tuniques de crêpe Georgette s’y appliquaient étroitement, comme le linge mouillé sur la statue de glaise.

Bottée, le fusil à l’épaule, elle chassait le lièvre en octobre, la bécasse en novembre, le faisan en janvier, la poule d’eau en mars, et, dès l’avril, le canard sauvage. C’est elle qui garnissait la table familiale de venaisons, comme la mélancolique Bertrande, plus potagère, des produits de son jardin. Aussi, grâce à ses filles qui chaque jour apportaient la provende, l’ancien sénateur de la Lozère pouvait-il consacrer ses derniers revenus aux soins constants que réclamait, en son grand âge, l’aïeul sacré, le château.