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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/104

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Personne ne soupçonna qu’à cette minute, sous cet extérieur glacial, tout son être moral défaillait et qu’il n’existait pas pour lui d’autre bruit parmi cette agitation de la salle, que celui de son sang battant dans ses artères. La tribune où il allait monter, tout à l’heure, ne lui apparaissait plus que dans un nuage. Quand la salle fut garnie à point, et qu’il eut devant lui tous ces hommes dont il avait fait le rêve de capter les volontés et de posséder les intelligences, il se dit en lui-même : « J’y renonce. » Il sentait maintenant sa témérité, le danger d’avoir échafaudé son acte d’aujourd’hui sur le hasard de la surprise. Et ce doute de soi lui fut soudain si angoissant que des gouttes de sueur lui perlèrent au front.

— Wartz ! dit doucement quelqu’un.

Il leva les yeux ; Saltzen était debout devant lui, comprenant tout à la détresse révélatrice de son visage.

— Wartz, que me dit-on… est-ce vrai ?

— C’est vrai, répéta-t-il, très morne. J’ai voulu jouer la grosse partie. Je crois que j’ai été fou… je n’y vois plus clair… je ne sais plus…

Alors, celui qu’on avait écarté, celui à qui Samuel s’était dérobé comme on se libère d’un importun fut pris soudain de compassion pour ce